Marcelle et Germaine

 
Germaine, où es-tu ?
 
Je ne t’entends pas, j’ai besoin de toi….
Attends, je pars à ta rencontre…
Ca y est ! Je t’ai retrouvée, comment vas-tu ma chérie ?
 
-Bonsoir Marcelle, mal…..Très mal !
Tu vois, on m’a exilée seule dans ma chambre; comme si je ne la connaissais pas assez ! Allons-donc !
Moi, qui se replie doucement dans mon monde intérieur, eh bien, comme ça, j’y vais encore plus vite…
 
-Comment tu t’es retrouvée là ?
 
-Je ne sais pas vraiment…Il paraît que je ne fais que crier toute la journée et que celà indispose ces dames qui jouent aux cartes. Alors, on a décidé en haut lieu que je devais rester dans cette chambre.
Je résume : j’y suis toute la nuit, on vient me chercher sur le coup de midi, on me remonte ensuite après manger et on vient me chercher pour le change de 16h30 puis remontée après le dîner…En somme, environ 20h sur 24 !
Alors, je m’échappe de la résidence : je ferme les yeux et je m’enfouis profondément dans mon passé…J’y suis si bien !
Tu sais, les gens d’en bas, je m’en moque, mais ils ne savent pas…Que je pleure souvent en silence…
Et pourtant, j’en ai des choses à dire !
Dire que je n’aime pas la soupe, ni le fromage, ni le monstre qui me tire de mon lit tous les matins de très bonne heure, et sans crier gare, me met de l’eau sur mon corps nu…
Mais je ne peux que crier, me replier en deux, comme si je venais de naître, …un tout petit enfant…C’est la seule façon pour moi de communiquer. Puisque l’on ne me comprend pas, alors, je gêne, je dérange…..
Mais assez parlé de ma personne…Toi Marcelle, comment tu vas ?
 
-Oh, moi tu sais, ce n’est pas bien meilleur….!!
 
-Expliques-toi, ma chèrie, que se passe-t-il ?
 
-Je ne sais plus qui je suis, où est ma chambre…..Alors, toute la journée, je me promène dans les couloirs, j’ouvre les portes. Je n’arrête pas de me faire engueuler ! Je ne sais pas pourquoi…Celà me fait très peur…Et pourtant je voudrais bien leur expliquer….Mais je ne trouve pas les mots !
Un soir, je me suis retrouvé face à ma soeur : je ne l’ai pas reconnue. Elle a crié après moi car j’avais perdu mon dentier tout neuf, et que ses enfants avaient travaillé très dur pour me l’acheter…
Alors, bien sûr, je finis quand même par retrouver ma chambre en fin de nuit, mais je suis épuisée…Et puis, si une personne en blanc me demande d’aller faire ma toilette, je réponds que je veux encore dormir…Alors, ils me fichent la paix…
 
-Mais dis-moi, Marcelle, comment tu fais pour me comprendre, moi qui ne fais que crier jour et nuit ?
 
-Je ne me l’explique pas, Germaine….Peut être nous comprenons-nous par la souffrance, par la peur, par le toucher et par nos larmes mêlées quand tu me fais la bise…
Bon, maintenant, je m’en vais. Je vais essayer de retrouver ma chambre…
Bisous !
 
-Bisous, et à très bientôt !
 
 
(Dialogue imaginaire suite à deux observations distinctes en institution)
 
 
Dernière minute  : voici mes compositions florales 06 et 07, chaque tableau a les dimensions 10 X 15 cm
 
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9 commentaires pour Marcelle et Germaine

  1. loulou dit :

    Comme tu les comprends, Rémy! Comme tu les vois comme les humains qu’ils sont toujours… et pas tout à fait traités comme tels. Que c’est triste de finir ainsi… à la merci de… Je demande à Dieu d’écourter ma vie plutôt que…Il est très touchant ton dialogue. Ça doit être frustrant d’être témoin de ça sans pouvoir changer les choses.Bisou, grand coeur que tu es.loulou

  2. ¤Tiggerlily dit :

    Comme ces petites fleurs bleus, certains les voient et d’autres passent si vite qu’elles ne sont que l’ombre d’elles mêmesPrend-t-on le temps de les arroser, de les regarder…de les aimer quoi !Sommes nous devenus si insensible à la vieillesse, à la maladie de l’autre, à sa misère où est-on si encombrés de nos misères que nous ne voyons plus l’autre…Parce que je ne me vois plus moi-même !Enfin l’égoïsme de nos jours bas son plein et là le réservoir est plein à ras bord !!!!!Il suffirait peut-être qu’un jour d’ouvrir notre porte pour qu’un peu de lumière filtre…Bel après-midi l’ami

  3. pascal dit :

    Quelle profondeur,pendant cet instant de lecture j’ai plongé dans un océan de sensibilité.Comment exprimer ce que je ressens,si tous les gars du monde voulaient…Amitiés d’un clown.

  4. tsat dit :

    c’est un passage difficile de la vie que personne ne comprend parfaitement autrement on aurait trouvé le moyen le plus efficace pour les aider pour l’instant on ne fait que les assister.bise et à bientôt!

  5. Francine dit :

    Bonjour Rémy, ce dialogue ne peut faire autrement que me rappeller la condition de ma grand-mère…Elle est agée de 90 ans maintenant, c’est de plus en plus difficile pour ma mère de continuer de la garder a la maison, masi elle me confiait dernièrement qu’elle se sent encore capable pour 2 ans….. Nous avons tous conscience que si ma mère l’avait laissé partir en institution son état de santé se serait détérioré beaucoup plus rapidement.Ma mère a une volonté de fer, mais je ne peut m’empêcher de me dire qu’elle y a laissé de sa santé a elle dans ce don d’elle même, et cela ne sera pas facile du tout psychologiquement pour elle lorsque viendra le jour de la laissé partir en institution… Merci pour le partage de ce dialogue, il fait réfléchir et conscientise….Nous ignorons tous comment nous viellirons, ça me ramène encore plus a faire attention a moi et profiter de ce que la vie peut m’apporter ici et maintenant… Merci xoxo

  6. Rémy dit :

    La fleur – le myosotis – n’a pas été mise comme celà au hasard…Cette fleur s’appelle en Angleterre : "Forget me not", ce qui veut dire : "Ne m’oublie pas". Et cette fleur est le symbole de la maladie d’Alzheimer.

  7. loulou dit :

    Je ne savais pas que le myosotis était le symbole de la maladie d’Alzheimer… J’en ai tellement sur mon terrain que ça pousse comme de la mauvaise herbe: dans mes plate-bandes, entre mes dalles de béton, un peu partout dans le gazon. Elle n’est pas faite pour se faire oublier…. ça c’est sûr!Bonne fin de soirée et dodo, Rémy.

  8. Sourire dit :

    Maladie tu me tiens et m’amène à l’oublieTu m’englues et je m’ennuisJe suis mal compriseEt tous ces gents me paralysentJe voudrais tant renir au bon vieux tempsmais il est où ? … je l’attend depuis si longtemps !on dit que je suis méchanteque j’agresse les passantesmais que font ces médecinspour alléger mes lendemainsje voudrais partir, m’enfuirde ce lieu ne plus revenir …Très beau texte ! Passe un bon week-end

  9. Elisabeth dit :

    Bonsoir Rémi, quel beau texte, qui exprime vraiement ce qui se passe en milieu hospitalier ou foyer de retraite, pour les personnes avec handicap lourd et simplement âgés ,là d’accord vous parlez de la maladie d’Alzemer je connais peu. Depuis quelques mois je visite des malades en milieu hospitalier ou à domicile, c’est naturel chez-moi, aider, apporter un peu de mieux être chez mes semblables,un peu moins d’indifférence; un rayon de lumière gratuit, un peu moins de solitude et même parfois un intermédiatre entre la famille ou les enfants et un docteur,, et, ce n’est pas confortable. De nos jours la maladie, le handicap, la vieillesse aussi , la mort font une barrière. Mais à côté de cela il y a des gens non indifférents qui soit naturellement ou à la suite de grands bouleversements dans leur vie arrivent à dépasser cette barrière et s’interressent à autrui, et je n’ai qu’à lire votre texte , pour savoir que le malheur des autres ne vous est pas indifférent. Bravo pour ce texte difficile, ecrit avec une pointe d’humour.Je vous admire courage.

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